Intervention du président Charles Michel à l’issue de sa rencontre avec le Premier ministre par intérim, Nikol Pachinian, à Erevan
Merci, Monsieur le Premier ministre, cher Nikol,
C’est un plaisir pour moi, un honneur pour moi, d’être de retour dans votre beau pays, l’Arménie. J’avais eu l’occasion de vous rendre une visite officielle il y a trois ans, dans le cadre du sommet de la francophonie en ma qualité de Premier ministre belge. Et ce matin, j’ai eu l’occasion de me rendre au Mémorial du génocide où trois ans plus tôt, j’avais symboliquement planté un arbre en mémoire des victimes, en ma qualité, à l’époque, de Premier ministre belge. Je souhaite tout d’abord, de vive voix, vous féliciter pour les résultats électoraux à la suite de ce processus électoral qui donne un mandat, qui donne une légitimité, pour agir sur le terrain démocratique, sur le terrain politique. Et je forme le vœu, au nom de l’Union européenne, qu’il y ait la capacité pour l’ensemble des acteurs politiques de ce pays d’être animés par un esprit constructif afin de réussir à coopérer, à travailler pour relever les défis auxquels le pays est confronté. L’Union européenne a l’ambition d’être un partenaire loyal, un partenaire engagé, un partenaire actif pour la prospérité, pour la stabilité et pour la sécurité. Et dans ce cadre-là, nous avons eu l’occasion d’aborder nos relations bilatérales, pour commencer, entre l’Arménie et l’Union européenne. Et effectivement, je suis porteur d’un message fort parce que je me tiens devant vous et avec vous pour vous confirmer cette décision de l’Union européenne de mobiliser un paquet financier sans précédent: 2,6 milliards d’euros qui sont engagés pour soutenir les priorités de l’Arménie. Et vous avez eu, Monsieur le Président, l’occasion de mentionner les priorités au départ desquelles les équipes, vos équipes, vont coopérer avec les équipes de l’Union européenne pour faire en sorte que ces moyens financiers ne soient pas des moyens virtuels ou théoriques, mais que le plus rapidement possible, ils puissent se traduire en projets concrets pour soutenir les ambitions des autorités arméniennes dans les différents secteurs: le secteur des infrastructures, les ambitions en matière digitale, les ambitions en matière climatique, en matière de transport, ou encore les efforts pour poursuivre l’agenda des réformes démocratiques, des réformes afin de soutenir davantage de gouvernance, davantage de capacité, d’efficacité, pour rencontrer les aspirations des citoyens.
Enfin, nous faisons face partout dans le monde à une pandémie: la COVID-19. Nous avons aussi tenté de mobiliser des efforts au départ de l’Union européenne, vous l’avez mentionné. Nous allons continuer à être solidaires. Je voudrais mentionner que l’Union européenne est la grande région démocratique dans le monde qui a fait le choix, depuis le début de la production de technologies vaccinales, d’exporter des vaccins. Nous avons fait le choix d’exporter 50%, plus ou moins, des vaccins produits chaque mois. Nous avons fait le choix de mobiliser aussi des capacités afin de soutenir le projet COVAX pour que l’ensemble des pays du monde aient accès à des technologies vaccinales. Et les chefs d’État et de gouvernement ont décidé avant la fin de l’année, au delà de ce qui a déjà été fait, de mobiliser au minimum, avant la fin de l’année, 100 millions de doses pour faire en sorte qu’il y ait des capacités de technologie vaccinale qui soient accessibles le plus possible partout dans le monde. Parce que nous ne serons pas en sécurité tant que tout le monde ne sera pas en sécurité, s’agissant de cette crise de la COVID-19.
Une autre raison de ma présence en Arménie, et plus largement dans la région, demain en Azerbaïdjan, lundi en Géorgie, est la manifestation de l’engagement de l’Union européenne pour cette région, le Sud-Caucase. Nous voulons renforcer les connexions, nous voulons renforcer les liens entre les pays de cette région et l’Union européenne, et nous voulons préparer, vous y avez fait allusion, le sommet qui aura lieu avec l’ensemble des pays du Partenariat oriental – à l’exception du Bélarus qui a annoncé la suspension de sa participation au Partenariat oriental – sommet qui aura lieu au mois de décembre. Dans ce cadre-là, il est important pour moi d’être à l’écoute des différents responsables politiques dans les pays pour voir de quelle manière on peut, au mois de décembre, faire de ce sommet un succès pour donner un nouvel élan, pour donner de nouvelles forces. Et dans les prochaines semaines, ce que nous souhaitons faire, dans les prochains mois, c’est continuer à travailler avec vous, Monsieur le Premier ministre, afin de progresser sur un certain nombre de sujets. Et naturellement, nous sommes touchés par cette guerre qui a frappé l’Arménie. Et nous sommes touchés par la situation de toutes celles et tous ceux qui ont été affectés directement, par les victimes de ce conflit auxquelles je souhaite rendre hommage, exprimer ma solidarité et ma sympathie. Nous avons eu l’occasion d’aborder un certain nombre de thèmes, un certain nombre de sujets, qui vont devoir être abordés politiquement avec beaucoup d’engagement dans les mois qui viennent. Je voudrais réaffirmer très clairement, sans ambiguïté, le soutien de l’Union européenne pour les travaux qui sont menés dans le cadre du groupe de Minsk. Nous voulons soutenir et encourager le groupe de Minsk à assumer sa responsabilité et à adresser les différents sujets. Et nous voyons quatre sujets qui doivent être adressés à court, à moyen et à long terme pour tenter d’amener ce que nous voulons tous, de la sécurité, de la stabilité et de la prospérité, et de pouvoir progressivement progresser afin de pouvoir résoudre des conflits graves – on a vu à quel point ils sont graves – auxquels on est confronté.
Le premier point, c’est l’importance de tenir des discours qui soient des discours qui vont vers la modération, l’importance d’éviter l’escalade verbale, et l’importance de faire en sorte que l’on puisse continuer à progresser sur des sujets très concrets:
- avec la question des prisonniers, nous avons eu l’occasion, ces dernières semaines, de se parler de ce sujet-là. Nous avons eu l’occasion, comme Union européenne, avec d’autres partenaires, d’encourager les efforts pour que les premières décisions soient prises avec cette question des prisonniers;
- avec la question de la cartographie des mines, nous espérons qu’il sera possible de continuer à progresser de manière responsable, de manière positive, sur ce sujet qui est un sujet important.
Deuxième point: la délimitation des frontières qui sont contestées. Sur ce sujet-là, nous espérons qu’il sera possible d’engager un processus de dialogue et de négociation. Et quand il y a un dialogue, une négociation, il nous semble utile qu’il puisse y avoir un retrait des troupes dans les zones disputées afin de favoriser le calme, de favoriser le sang-froid au moment où des discussions ont lieu sur la délimitation des frontières.
Le troisième point que je voudrais mentionner, c’est l’importance à mon avis aussi, à notre avis aussi, de pouvoir discuter de possibles projets de coopération: la question du secteur du transport, vous avez mentionné ce secteur-là. Il y a peut-être d’autres secteurs pour lesquels une coopération régionale pourrait être utile pour favoriser le développement économique, pour favoriser la prospérité, pour favoriser le dialogue.
Et puis, quatrième point, il y a, de manière plus générale, cette négociation de paix. Le statut du Nagorno-Karabakh doit être un sujet, doit pouvoir être abordé également. Et je prends aussi note avec beaucoup d’attention des sujets que vous avez abordés, comme par exemple la question des patrimoines culturels et peut-être un rôle qui peut être joué par des enceintes comme l’Unesco afin de veiller au respect de ces patrimoines qui sont aussi des sujets de préoccupation extrêmement légitimes que vous avez mentionnés.
Donc vous le voyez, Monsieur le Premier ministre, Mesdames et Messieurs, nous avons eu l’occasion d’un échange approfondi sur les différents thèmes. Je dois vous remercier pour la sincérité et la franchise, pour la bonne coopération qui nous permet à nous, délégation européenne, de bien comprendre votre point de vue sur les différents sujets. J’aurai l’occasion d’être demain en Azerbaïdjan. J’aurai aussi l’occasion, dans ce cadre-là, d’avoir un échange avec les autorités de ce pays. Et je voudrais vous indiquer la disponibilité de l’Union européenne pour rester engagée comme partenaire loyal, positif, constructif, soucieux de montrer du respect pour les acteurs politiques dans la région, mais aussi de porter les valeurs auxquelles nous croyons, ces valeurs de démocratie, ces valeurs d’état de droit, ces valeurs de gouvernance qui, selon nous, sont les meilleurs piliers pour garantir des progrès en matière de prospérité, en matière de stabilité et en matière de sécurité. Je vous remercie.